Aumônerie Universitaire Paloise

Aumônerie catholique des étudiants de Pau

Homélie sur la samaritaine par Jean Casanave

La Samaritaine version ménagère

Le décor : un homme, une femme, un puits, midi.

L'homme est un fonctionnaire de Jérusalem. Il effectue une tournée d'inspection des puits de la Samarie. Il est parti depuis longtemps et une aventure féminine mettrait un peu de piment dans son voyage très technique. Il sait depuis son enfance que les grands patriarches avaient trouvé de superbes belles filles (Rébecca, Rachel…) auprès des points d'eau.

Justement en voilà une !

— « Salut ma colombe, m'offrirais-tu un peu de ton sublime breuvage ? »

Il avait oublié que les filles des samaritains avaient du caractère.

« Tu crois que je n'ai pas autre chose à faire ! Je viens de marcher pendant une heure, il m'en faut une autre pour revenir… Quand on pense qu'on nous avait promis l'eau au village il y a dix ans!! »

— « Justement, je suis venu pour étudier la faisabilité d'un plan d'adduction d'eau qui dormait dans les tiroirs depuis longtemps. Mais les choses sont plus compliquées que tu ne crois.

Il faut trouver les fonds nécessaires et les impôts sont de plus en plus impopulaires. Les romains ont la main lourde en la matière et le percepteur Zachée refuse de dénouer les cordons de la bourse. A cela s'ajoutent des problèmes techniques sérieux. Tu n'es pas sans savoir que le village est sis en hauteur par rapport au puits. Nous avons encore les plans de la prouesse réalisée par notre roi Ezéchias qui avait amené l'eau de Siloé à l'intérieur des remparts de Jérusalem par un canal remontant. Mais cela exigerait de consulter les archives, d'obtenir auparavant de multiples autorisations et de réaliser les enquêtes nécessaires pour éviter tout espionnage. »

— « Encore un discours de technocrate ! » lui réplique la Samaritaine. En attendant, nous les femmes, nous ferons la corvée d'eau et nous casserons nos nuques sous le soleil... » « Et puis, ce n'est pas l'administration qui étanchera cette soif d'eau vive qui me brûle le cœur » ajouta-t-elle.

La samaritaine version légale (la Torah)

Le même décor : un homme, une femme, un puits, midi.

— « Qu'est ce que tu viens faire ? » interroge l'homme d'un air soupçonneux.

— « Je viens chercher de l'eau » répond la femme.

— « Ne sais-tu pas que cette eau est à moi ? Car je suis, moi, un fils de Jacob qui a creusé ce puits. Cette eau (torah) est supérieure à toutes les autres. Vous les Samaritains vous n'avez que de l'eau souillée, polluée par les cinq dieux que vous adorez encore. Et d'ailleurs avec quoi vas-tu puiser ? »

— « Avec ma cruche ! »

— « Ce n'est pas avec une cruche qu'on puise cette eau mais avec une outre en peau de chèvre comme l'a fait notre père Abraham, grand père de Jacob, et comme nous le faisons depuis toujours ! »

— « Alors comment vais-je faire ? »

— «  Je vais te donner de cette eau mais auparavant vous allez toi et ta cruche vous purifier. Prie avec moi le psaume de notre grand David : Pitié Seigneur en ta bonté (PS 51). Emporte ta cruche au village mais ne donne pas cette eau à n'importe lequel de tes compatriotes. Apprends leur d'abord les commandements et quand ils viendront je les leur ferai réciter pour vérifier si ce sont de vrais fils de Jacob.

La Samaritaine repris son chemin toute occupée à se remémorer toutes les instructions données par cet homme rencontré.

Celui-ci s'appelait Simon, le pharisien. Quelques temps après, il invita un certain Jésus de Nazareth à sa table. Une pécheresse vint inonder ses pieds de ses larmes et elle les essuyait avec ses cheveux. Simon n'est pas encore revenu de cette rencontre !

Dans la première version nous sommes dans un dialogue au même niveau. Certes quand quelqu'un a soif il faut d'abord lui donner à boire, mais sans oublier les autres soifs. Ici, on est resté au raz de l'eau. Personne n'a progressé, chacun est reparti comme il était venu.

La deuxième version nous donne un dialogue en surplomb. Moi je sais ce qu'il te faut pour ton salut et ton bonheur. Mais c'est de l'eau sous condition, de l'eau en bouteille aux normes bien définies. Nous sommes loin des sources d'eau jaillissantes !

La samaritaine, version Saint Jean

Toujours le même décor : un homme, une femme, un puits, midi.

La conversation s'engage. Au fur et à mesure des questions et des réponses on assiste à une progression. L'eau du puits se transforme en eau de la Torah, celle-ci en eau vive, puis en eau éternelle, puis en sources jaillissantes. Pendant ce temps la femme anonyme de Samarie se révèle être croyante, puis croyante en recherche, découvrant le messie et enfin « disciple- missionnaire » comme le dirait notre Pape François.

En face, l'homme qui a soif, est un juif qui enfreint les consignes concernant les samaritains, il est peut-être plus que Jacob, certainement un prophète et enfin, il est « Je le suis », le Messie.

Par ses réponses toujours en décalage avec les questions de la Samaritaine, Jésus oblige celle-ci à aller plus loin dans la révélation de son identité profonde et Lui-même se dévoile. En découvrant le Messie, l'objet de ses attentes les plus profondes, elle se découvre totalement elle-même. Ce dialogue en décalage permet une véritable révélation.

Vous êtes au midi de votre vie. Le soleil rayonne dans vos yeux, illumine vos visages. C'est l'heure des belles rencontres et des grandes amitiés. Des puits de Jacob vous en trouvez partout : En cité U, au restau U, aux inter cours, pendant vos week-end. Midi, c'est l'heure de ces dialogues qui crèvent les apparences, de ces ouvertures, de ces blessures, d'où peut jaillir ce ou Celui qui vous fait vivre. Et c'est ainsi que vous devenez pour l'Université, pour votre génération, ces samaritains et samaritaines porteurs d'une eau vive que beaucoup espèrent sans le savoir. Mais à une condition : que vous vous fassiez mendiants de l'eau que l'autre peut vous donner, comme Jésus qui demande à boire alors qu'Il est la source.

Enfin, je vous redis ce que je disais chaque année aux étudiants qui quittaient l'aumônerie pour d'autres destinations : « Ne laissez jamais les choses et les gens dans l'état où vous les avez trouvés », c'est ce que Jésus faisait.

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