Aumônerie Universitaire Paloise

Aumônerie catholique des étudiants de Pau

NDLR. Compte-rendu réalisé par Anne-Cécile Savy de la conférence faite par Jean-Marie Petitclerc (en photo) à la Médiathèque André Labarrère de Pau sur le sujet « Éduquer aujourd'hui pour demain : enjeux et défis de l'éducation dans une société en mutation » le 10 octobre 2015. Jean-Marie Petitclerc est éducateur spécialisé, expert des questions d'éducation en zones sensibles et auteur de nombreux ouvrages.

Présentation​

Jean-Marie Petitclerc est un prêtre salésien, polytechnicien et éducateur spécialisé. Il a beaucoup œuvré dans les quartiers « sensibles », notamment à Argenteuil. Il a fondé un foyer pour accueillir des jeunes en difficulté qui lui sont confiés par la justice.

Jean Marie Petitclerc

Il a remarqué que ce qui est dur pour les jeunes (enfant ou adolescent) est la différence entre leur milieu familial, scolaire et la cité. Ce sont trois milieux qu’ils côtoient tous les jours et qui véhiculent des valeurs qui sont souvent contradictoires.

Sa devise est « penser en homme d’action et agir en homme de pensée » de Bergson.

Son travail se base sur les principes et pratiques de Don Bosco, un prêtre italien qui a été en contact toute sa vie avec des jeunes abandonnés, illettrés et déviants. Même si Don Bosco a vécu il y a deux siècles, notre époque a un point commun avec la sienne : le contexte de mutation. Il y a deux cents ans c’était le passage d’une société agricole à une société industrielle, aujourd’hui c’est le passage au numérique. Jean-Marie dénonce le fait que l’on parle de « crise » car pour lui c’est une évolution, dans la société, qui est plutôt positive.

Il nous a ensuite montré un JT où il avait été interviewé au sujet des émeutes de 2006. Il expliquait dans cette vidéo qu’un bon éducateur doit être attentif aux jeunes et être amis avec eux afin d’avoir une relation de qualité et ainsi permettre la prévention de la délinquance. Il condamnait les réactions répressives qui consistaient à enfermer les délinquants plutôt qu’à les éduquer.

Pourquoi est-ce difficile et quels sont les enjeux ?

Le 1​er​ défi est celui de l’autorité

Avant, elle était liée au pouvoir (statut) de la personne. Maintenant, ce n’est plus le cas, deux professeurs qui ont le même statut n’ont pas forcément la même autorité. De non jours, elle dépend plus de la crédibilité de la personne. En effet, on fait moins facilement confiance à une personne de prime abord, il faut d’abord qu’on ait vérifié qu’elle soit cohérente et authentique dans ses actions et réactions.

Le 2​ème​ défi est celui du « vivre ensemble »

Avant, il y avait une différence de comportement et de langage selon que l’on était avec nos amis, nos parents ou nos professeurs. Mais aujourd’hui beaucoup moins, Jean-Marie pointe par exemple l’usage permanent du portable qui empêche de couper avec ses amis quand on est chez ses parents, ou en classe.

Le 3​ème​ défi est celui de la projection dans l’avenir

Avant, on était capable d’enthousiasmer les enfants malgré le contexte difficile de la guerre, de la famine etc. Alors qu’aujourd’hui le regard que les adultes porte sur les jeunes est plutôt pessimiste. On a peur de l’avenir, des menaces terroristes, du réchauffement climatique. Cette peur nous bloque et nous empêche de nous projeter dans l’avenir, ce qui crée une jeunesse en dépression.

Quelles sont les pistes pour relever ces défis ? ☺

La 1​ère​ piste est la confiance

L’éducation n’est possible qu’une fois qu’une relation de confiance a été établie. Cependant, il faut avoir confiance en soi pour faire confiance aux autres, ce qui n’est pas forcément facile. Pour qu’une personne ait confiance en elle, il faut que les autres lui porte un regard positif. Ainsi, si un jeune commet un délit et qu’on le qualifie de délinquant, on porte un regard péjoratif sur lui : tu as fait quelque chose de mal, donc tu es mauvais…

Jean-Marie préconise de distinguer la personne de ses actes et de ne pas l’identifier à ces derniers. Chacun fait des erreurs, ce n’est pas pour autant qu’on est irrécupérable.

Pour prendre vraiment confiance en soi, il faut avoir en mémoire les réussites antérieures qu’on a eues. Le problème en France c’est qu’à l’école on se focalise sur des performances à atteindre : si à tel âge il ne sait pas faire ça c’est qu’il n’est pas bon. Or, on risque là un décrochage scolaire… Alors que si on se focalisait sur les réussites, le raisonnement serait beaucoup plus optimiste : tu as réussi à faire ça hier, donc aujourd’hui et demain tu pourras le refaire et l’améliorer.

La 2​ème​ piste est l’alliance avec le jeune

Le travail de l’éducateur est d’accompagner l’enfant, mais pas de faire les choses à sa place. Jean-Marie insiste sur la conjugaison entre l’Amour et la Loi. La loi permet de respecter l’altérité de l’autre et doit servir l’amour. Exemple : Je te dis non parce que je t’aime.

La 3​ème​ piste est l’Espérance

Jean-Marie nous a parlé de la parabole de la graine qui devient un arbre. Il faut pour cette graine le meilleur terreau afin qu’elle ait des racines solides et surtout la laisser pousser à son rythme. Il a insisté sur le fait de laisser les jeunes grandir à leur rythme, tout en les responsabilisant. En effet, si on les protège trop ils n’apprendront pas et auront peur de prendre le moindre risque. En éduquant on prend forcément des risques.

Pour conclure, Jean-Marie a pris l’exemple d’un funambule pour imager le rôle des parents qui doivent garder l’équilibre entre d’un côté la sécurité dont un enfant a besoin, et de l’autre côté, la part de responsabilité qu’on doit lui laisser pour faire de lui un adulte. Il ne faut pas trop dire non car sinon le jeune aura peur de tenter la moindre chose, mais il ne faut pas trop dire oui non plus car sinon il développera un sentiment de toute puissance, tout aussi nuisible. « Soyez donc de bons funambules ! »

Questions et remarques du public

– Un pédiatre a confirmé la vision de Jean-Marie sur le fait que de mettre un enfant en insécurité/en position de risque mesuré est bénéfique pour lui.

– Une professeure a dit qu’elle trouvait que la société n’avait pas d’amour pour les enfants d’aujourd’hui et qu’elle médicalisait tout échec ou retard scolaire, comme si c’était des « maladies ». Jean-Marie a répondu qu’il fallait avoir une vision plus nuancée et ne pas être pessimiste. La violence est naturelle chez l’homme et ce que l’éducation apporte est une façon de régler les conflits pacifiquement. On apprend ainsi à gérer ses frustrations grâce à la médiation.

Il faut aussi être à l’écoute des enfants, leur laisser exprimer ce qu’ils ressentent, par exemple lors de l’arrivée d’un frère ou d’une sœur, l’enfant ressent souvent de la jalousie, il faut alors lui expliquer que l’amour partagé c’est comme quand on allume une bougie avec une autre, il ne diminue pas !

– Une autre personne a demandé ce que pensait Jean-Marie de l’égalitarisme. Il a répondu que c’était une chose regrettable car la vraie utilité du savoir est de le transmettre. Donc si tout le monde sait c’est bien, mais si tout le monde a la capacité de transmettre ce savoir, c’est mieux. Il a ajouté que l’égalitarisme ne prend pas en compte l’acuité et la singularité de chacun, ce qui est regrettable.

– Une ancienne institutrice a raconté qu’à son époque (il y a 50 ans), les élèves étaient classés selon leurs notes et que ce n’était pas du tout un bon moyen de les faire progresser. Elle a ensuite été dans une autre école où il n’y avait pas de note et où les élèves s’entraidaient, et cette expérience s’est révélée beaucoup plus fructueuse.

– Une autre personne a évoqué le fait que de nos jours la question taboue est celle de la mort. Jean-Marie a acquiescé et a ajouté qu’il faut en parler clairement aux enfants et ne pas leur cacher l’éventuelle mort d’un de leur parent, car les histoires qui sont parfois racontées aux enfants les rend anxieux.

– Jean-Marie a pointé un paradoxe. Globalement, de nos jours la famille est fragilisée et multiforme, cependant, les jeunes qu’il a interrogés rêvent tous d’une famille traditionnelle : une femme/un mari, pour la vie, avec des enfants etc… Il a ajouté que 85% des jeunes s’estiment heureux de la qualité des dialogues qu’ils ont avec leurs parents, alors que 55 % des parents seulement le sont envers leurs enfants. Qui manque d’optimisme ? Les parents…

Jean-Marie nous a partagé ce proverbe africain qui est très vrai : « Il faut un village pour éduquer un enfant ». Il a noté que de bons parrains et marraines étaient ce qui manquait pour les enfants et pour leur éducation spirituelle.

Le père Benoît a conclu en disant que Jean-Marie avait fait un constat lucide de la situation actuelle de la jeunesse : une jeunesse fragile à la recherche de repères. Benoît a clos cette conférence en soulignant l’enthousiasme de Jean-Marie qui est un prêtre optimiste et drôle ! Tout est possible, avec confiance et espérance !

La conférence en version diaporama

Merci à Nicole pour les photos et la mise en page, et à Anne-Cécile pour le texte.

Conférence De Petitclerc Du 10 Octobre 2015 à Pau Texte Et Photos publié sur Calameo

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