Aumônerie Universitaire Paloise

Aumônerie catholique des étudiants de Pau

[Témoignages de Georgette & Co]

La ville de Pau-Nord s'arrêtait au boulevard Alsace Lorraine, ce qui fait que le cours Lyautey n'existait pas. Il n'y avait que l'avenue Dufau qui existait.

Boulevard Alsace Lorraine et église Notre Dame de Pau

Bon, il faut se dire que Pau était sous l'emprise des Anglais, qui venaient y passer l'hiver. Mais ce n'était pas n'importe lesquels puisqu'ils arrivaient avec toute leur domesticité. Ils avaient Miss Hutton, là où on a fait tout ces immeubles, ils avaient Ridgway et tout ça, si bien que cela leur donnait déjà une certaine emprise.

Villa Ridgway

Mais en plus de cela, il y avait des nobles (des nobles « dés-argentés » pour ainsi dire) qui voulaient conserver leur mode de vie, et qui s'étaient donc arrangés en sorte. Ils détenaient par exemple, la villa Alexandra et le terrain devant, qui avait été acheté par une société qui aidait les Pieds-Noirs à leur arrivée. Ensuite, vous avez la maison du Comte d'Astorg (qui existe encore) et qui empiétait sur l'actuel cours Lyautey, c'était leur jardin.

Pieds noirs

Ensuite, vous avez le laboratoire actuel qui était la villa Coligny et qui était la jumelle de la maison précédente. Ensuite, vous aviez la villa Le Manoir, qui était immense, et qui englobe les immeubles qu'on appelle maintenant « Manoir ». Ensuite, vous avez le comte de Navaille qui lui a vendu sa villa (appelée la villa des Chênes) à une société suisse qui y amenait des enfants en convalescence.

Vue d'un HLM de Pau

Nous arrivons donc à ce qui se trouve être l'avenue Saragosse. Il faut vous dire que toutes ces propriétés étaient enfoncées (comme l'est le laboratoire aujourd'hui), on y allait durant notre enfance pour y ramasser des mûres destinées à faire des confitures. Autant vous dire que c'était à celle qui en ramassait le plus ! Et on ramenait ça à la maison.

Miliatire et infirmière d'autrefois

A l'époque sur l'avenue Saragosse, quand j'étais gosse, il y avait un baraquement rectangulaire en aluminium, assez long, qui avait été aménagé pour recueillir les républicains espagnols. Il a ensuite été détruit pour y construire ce grand ensemble du Manoir, des Chênes, enfin voilà. À la même période, on pouvait voir près de l'actuelle maison de l'agriculture, un poste où l'on percevait l'octroi. C'était une sorte de taxe que l'on devait payer pour rentrer dans la ville.

Chambre de l'Agriculture de Pau

Plus loin nous avons donc l'université. Celle-ci qui a été construite sur le terrain d'une dame qui s'appelait Madame De Lassence. On a longtemps voulu lui acheter son terrain (tant les architectes et les autres sentaient par là la façon de s'étendre) mais elle tenait bon. Elle ne voulait pas vendre, mais elle a vendu à une seule condition : que tous les arbres restent en vie. Elle s'appelait Madame De Lassence mais n'avait rien à voir avec l'ancien maire de Pau. C'est donc en ce lieu et place qu'ils construisirent l'université.

Campus de Pau

Bon alors, nous arrivons ici avec tous ces anciens nobles, à l'arrivée de l'avenue Dufau, nous avons l'immeuble Le Goya, puis plus loin, nous avions une maison magnifique qui s'appelait le Clos Fleuri, à moitié style basque et autre, enfin bref une maison superbe, recouverte de glycine ! Elle appartenait à des sud-américains qui avaient fait fortune en Argentine. Et il s'est trouvé qu'ils ont vendu cette maison parce qu'elle était mangée par les termites. Elle a donc été détruite et remplacée par un immeuble. Il reste encore une petite maison qui a été achetée par un comptable de la ville, qui existe encore. Voilà pour ce qui est du niveau bourgeois.

Nous arrivons ici où alors il n'y avait que des champs. Près de cette avenue (les frères Wright), et voilà la rue où, moi, j'habite. À quelques mètres de là, on peut encore voir un mur restant de la propriété des Carlitos, qui appartenait à la famille Egana, laquelle avait aussi fait fortune aux Amériques.

quartier de la Pépinière d'autrefois
L'église St Pierre et le quartier Dufau-Tourrasse en 1970 (© Archives communales)

Ces gens-là venaient tout les deux ans à peu près, et il y avait évidemment un concierge qui entretenait le tout. Il y avait une maison magnifique, j'ai pleuré le jour où on l'a démolie. Je trouve que c'était une reine là au milieu et qu'on aurait pu faire une clinique, une maison de retraite, quelque chose en tout cas. On y trouvait des planchers en chênes croisés, un toit en ardoise integral. Il l'ont louée quelque temps à un architecte, à des gens costauds niveau finance, mais finalement ça puisqu'ils avaient d'autres projets ça s'est vendu et démoli.

Moi qui habite cette rue, voyez, eh bien, ici à quelques mètres, vous avez ce mur qui existe encore, tout le long de ma rue, eh bien ce mur était la propriété des Egana (c'est à dire de Carlitos). Ensuite, là vous avez plus loin la propriété des Périnau (le bijoutier qui est mort il y a peu de temps – repose en paix). Les Périnau, eux, disons, on a construit sur leur terrain un immeuble. Ensuite, vous en avez un autre là, et là vous avez les jardins d'Arcadie.

Le Cours Lyautay d'autrefois

Bon alors, ici, parlons de Carlitos. ici vous avez une résidence qui s'appelle Fonval et là l'école Jean Sarailh. Ici, l'Eglise St Pierre, vous êtes d'accord avec moi, et ici le nouveau Cours Lyautey qui n'existait pas. Là, vous reconnaissez le centre de la Pépinière, qui comme son nom l'indique, était à l'époque une véritable pépinière où la ville venait s'approvisionner en rosiers et en plantes diverses.

Vue générale de Pau d'autrefois

Ce qui fait que quand la ville a acheté tout ça, elle a fait le centre social en lieu et place, l'école, l'église, et elle a fait tous ces immeubles. En bord de la rue du Baron Seguier, là où l'on trouve ce mur et cet ancien arbre, les réfugiés de la guerre d'Algérie (les Pieds-Noirs dont on parle) ont été reçus et on a aménagé des immeubles pour eux : on les appelle la cité Camors. Ce sont des immeubles très bien conçus, avec des appartements plutôt corrects (compte-tenu des autres exemples qui s'offrent à nous).

Facade d'un HLM de Pau

Nous revenons donc aux trois immeubles construits sur la propriété des Carlitos qui se nomment ainsi. Quand j'étais gamine, tout cela était très animé, c'était en quelque sorte le paradis des garçons de mon âge : ils y allaient pour jouer aux indiens... J'entendais également chuchoter que quand les Egana venaient, des orgies incroyables avaient lieu. Mais bon, à l'époque, tout portait à scandale. Et donc voilà comment s'est conçu ce coin.

église St Pierre en construction

Bon, et alors quand on a fait l'Eglise St Pierre : quel scandale ! Cette nouvelle architecture, oh la la, ça a fait jaser. (une autre personne dit : je me souviens même qu'une amie avait refusé de se marier dans cette église). C'est cette architecture qui a frappé pendant longtemps.

tract

J'étais d'autant plus touché puisque l'architecte qui l'a conçue (je dis : vous pensez à André Grésy ?). Non, alors justement nous en venant à ça. Comment avez vous appris que c'était lui l'architecte ? [je réponds : en faisant des recherches sur internet, l'église St Pierre est présentée comme ayant été conçue par André Grésy]. Oui, puisque l'architecte dont je parle est mort tout jeune. C'est à dire que Grésy habite le quartier. Il a mon âge (le père).

portrait de Louis Edel

L'autre architecte faisait ses études d'architecture à Paris, et ses parents ont vendu une maison pour qu'il puisse mener cela. et lorsqu'il est allé passer son concours (il s'appelle donc Louis Edel), il l'a eu, et je lui ai demandé quelle question il avait eu. Il m'avait répondu qu'on lui avait donné le nom d'une grotte et qu'il devait concevoir l’aménagement de celle-ci, à tout point de vue (installation électrique, la sonorisation, etc.), afin de la rendre accessible au tourisme. Bref, pour en revenir à l'église, je ne sais pas s'il a eu le temps de la voir achevée puisqu'il est malheureusement mort en voiture sur la cote de Ger. Il avait également construit la Résidence du Stade, où il avait un appartement, et peut-être sa veuve y habite-t-elle encore (en face de l'église St Joseph).

église St Joseph de Pau d'autrefois
L'église St Joseph d'autrefois (© Archive communales)

Pour ma part, je suis arrivée à l'âge de 6 ans, en provenance de New York. J'y étais partie lorsque j'avais 4 ans, pour certaines raisons, j'y suis restée 2 ans. C'est pour vous dire que ce quartier [enregistrement coupé]. Mais il faut reconnaître que maintenant nous arrivons au stade d'Arlette (une personne présente), quand elle a acheté ce quartier était plein de vie : on jouait, les garçons faisaient des courses de vélo, rue Gaston la Mesnière, et nous on ramassait des fleurs pour remercier le vainqueur. mais actuellement, la voiture a tout tué, et la télévision.

Car à ce moment là, tout le monde était devant la porte, les soirs d'été. On savait qui était malade, on causait : « tiens, ça fait longtemps que c'est fermé, sont-ils partis en voyage ou quoi ? », on s'intéressait aux uns et aux autres, bon. Les gosses jouaient, nous les premiers, il y avait des rires de gosses, les ballons qui claquaient dans une vitre d'un voisin, la voisine qui arrivait « Et oui ! Il m'a encore cassé un carreau ! ».

dessin humaristique, enfants qui casse une fenêtre avec un ballon

Bref. Mais maintenant, nous n'avons plus un bruit d'enfant dans nos quartiers [Une autre personne dit : « mais oui ils sont sur la télévision, l'internet, les tablettes... » – L'ironie est que j'en tiens actuellement une à la main pour les enregistrer !]. Il se trouve qu'à l'heure actuelle la femme travaille, quand elles rentrent, elles ont un autre boulot, on ferme les volets le soir, bien content de s'enfermer, et c'est fini !

Alors tout est reporté, il faut dire, dans ces grands ensembles parce que là, Arlette, je suppose, comme tu prends l’ascenseur, tu as toujours moyen de dire bonjour à quelqu'un, lui demander comment il va... Bon, il faut dire qu'il faut vivre avec son temps aussi... Alors moi j'ai la nostalgie, et pour cause, car j'ai des souvenirs très prenants et qui m'attachent à ça... Mais on ne peut pas toujours rester à ce niveau là, car les choses évoluent [Une autre personne intervient « ce qu'il faut dire, c'est qu'ici il y a quand même une école, Jean Sarailh, j'entends les enfants, et il y a également un endroit où j'entends parfois certains jouer »]. Mais tout ça est hors de mon quartier, voyez ?

enfants qui jouent au Parc Beaumont d'autrefois

Mon quartier, c'est le quartier d'autrefois, un peu calme, qui est différemment occupé maintenant, quand les personnes âgées meurent ce sont des jeunes qui reprennent mais ils ne se connaissent pas entre eux, vous voyez ? On veut bien aménager des repas entre voisins, mais ça tombe à l'eau, vous comprenez ?

une avenue de Pau d'autrefois

Ailleurs ce n'est pas tout à fait pareil, la partie qui s'est fait après, devrait être différente parce que vous avez des étudiants, ce qui n’existait pas de mon temps. Entre temps, l'université s'est construite et aussi le centre social de la Pépinière, ce qui n'est vraiment pas mal. Bon, il y a une église qui permet aux riverains de ne pas trop s'éloigner, car auparavant vous aviez St Julien et St Joseph...

joueurs de gold d'autrefois à Billère

[Une autre personne dit : « J'habitais à Billère et je suis venue ici. Dans mon immeuble il y a une personne qui avait inauguré sa construction, elle se faisait âgée si bien qu'elle est partie en maison de retraite, et ensuite nous n'avons jamais eu de nouvelles jusqu'à sa mort. Même pas une petite affiche, comme cela se serait fait avant. Il y a encore des personnes dans l'immeuble qui sont là depuis le début, mais le lien s'estompe. » Quelqu'un d'autre dit : « je ne voudrais pas répéter ce qui est toujours dit mais la société de consommation pousse nécessairement à l'individualisme ». « Voilà, exactement ».

bande dessinée comique, métro-boulo-dodo

Elle reprend : « La vie a totalement changé. Les parents travaillent, les enfants sont à l'école du matin jusqu'au soir, les parents ne peuvent pas forcément aller les chercher à la sortie si bien qu'ils ne rencontrent pratiquement pas d'autres parents. Et enfin, le samedi-dimanche, les parents se reposent de leur semaine et de leurs soucis, ils prennent la voiture pour les emmener à droite, à gauche, et les laissent pratiquement pas sortir dehors. Sans doute par peur du risque causé par les voitures »].

Quand on était gosse, il y avait les feux de la St Jean, on avait les vacances le 1er juillet... Bon, et alors à Bourbaki, on allait voir les athlètes... [Une autre personne dit : « pour ma part, j'habitais à Billère, qui était un petit village, beaucoup de gens y ont maintenant vendu leur maison, mes enfants jouaient dans le quartier... »].

Et alors disons que les gens avaient moins de facilités que maintenant, il faut le dire... On se chauffait au bois, car le chauffage central (à part trois ou quatre maisons) on ne connaissait pas. Ce qui fait qu'elles commandaient leur bois l'été. Et alors les gosses (souvent les garçons mais pas seulement) aidaient les voisins. Nous n'avions pas les mêmes échéances.

Pour commencer, les femmes ne travaillaient pas (sous-entendu en dehors du foyer)... Maintenant c'est tout à fait différent, ce qui fait qu'il est impossible de revenir en arrière. Mais disons qu'il y a beaucoup de choses qui ont changé, on peut faire en revanche un effort d'un point de vue humain (relationnel). [Quelqu'un dit : moi quand je rencontre quelqu'un dans les couloirs, on discute, on échange, c'est une autre façon de vivre, et les gens en ont besoin !]. Ce qui me révolte le plus, c'est que les personnes qui essaient de changer cela (les jeunes et les moins jeunes) ne sont pas soutenues.  [Quelqu'un d'autre dit : « le jeudi nous allions au patronage, et le samedi, le curé louait un film, on passait du temps et cela renforçait la communauté].


(© Archive communales)

Ici, je me souviens que la ville invitait tout les instituteurs et les écoles à se rejoindre, et c'était la fête, les parents, les voisins, les grands-parents, les élèves... (l'enregistrement étant de mauvaise qualité, je n'ai pas pu entendre comment cela était désigné). A l'époque, pour décongestionner quelqu'un, on utilisait les ventouses, et je me souviens qu lorsque j'avais la peau tout noire, j'étais contente car je savais que j'allais me sentir mieux. On le faisait également pour les maux de dos... Il y avait aussi les cataplasmes, c'est terminé ça maintenant, à présent on parle d'huiles essentielles, bla bla bla...

Je me souviens aussi que lorsqu'il y avait une épidémie de rougeole, ma mère me mettait un petit bout de gaze, avec une épingle et un carré de camphre. Je gardais ça toute la journée. (une autre personne dit : oui, moi aussi j'ai connu ça, on nous faisait même des jupons et des chemises exprès, de sorte que le camphre ne soit pas à même la peau). Ou dans un petit sachet en étamine. (quelqu'un dit : on nous frictionnait avec de l'eucalyptus ou on buvait du lait de poule (lait + œufs et parfois même du Porto !) pour nous donner des forces. On nous donnait aussi de la Quintonine, on la buvait dans du vin et on était fiers car on buvait l'apéro avec les parents à cette occasion. Dans les années 60, on l'utilisait encore dans les milieux hospitaliers.

Et donc je disais, pas de chauffage, on avait un poêle, une salamandre pour chauffer le séjour et on mettait une brique ou deux dessus, qu'elles soient bien chaudes. Et lorsqu'on partait au lit le soir, on le chauffait de la sorte. Pour le même effet, on utilisait aussi un récipient en cuivre fixé au bout d'un manche, dans lequel on versait des braises (un bassinoire). C'était une autre façon de vivre (quelqu'un dit : oui, c'est même une perte en soi)... [Fin de l'enregistrement]

[Merci à vous toutes, pour vos témoignages, qui sont pour moi des pépites de vie d'un autre temps.]

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